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CORRESPONDANCE GÉNÉRALE.


Fontenelle était resté opiniâtrement attaché à ses premières opinions. Si on ajoute à tout cela que le premier livre classique où l’on ait développé en France les théories de Newton, ne parut que dix ans après l’ouvrage de M. de Voltaire, on ne peut se dispenser de convenir qu’il y avait bien du mérite, en 1738, à donner ce que notre illustre maître appelle avec tant de modestie son petit catéchisme d’attraction.

Vous avez raison de remarquer qu’on ne pardonna point alors au même homme d’avoir fait Zaïre, et de vouloir faire entendre Newton. Mais il y a des gens plus difficiles, qui ne peuvent souffrir ceux même qui sont purement géomètres. L’abbé Desfontaines était de ce genre : il dit quelque part que, quand l'esprit d’un géomètre sort d'un angle, il parait presque toujours obtus ; que tel géomètre ou physicien qui, dans son genre, est un aigle, est, en tout autre genre, ou un bœuf, ou un canard, ou un hanneton, trois sortes d’animaux qui ont l’honneur de partager la ressemblance de la plupart. Cet abbé Desfontaines reprochait à Fontenelle son style, et l’accusait de corrompre le goût.

Ce journaliste a laissé une postérité nombreuse et digne de lui. Je lisais dans une de leurs rapsodies (car on peut en lire comme on s’arrête quelquefois dans les rues pour écouter les propos du peuple), j’y lisais donc que des problèmes n’immortalisaient personne ; que si Pascal allait à la postérité, ce ne serait pas comme géomètre ; et on citait pour exemple des géomètres qui n’ont pas été à la postérité, MM. Clairaut, Fontaine et Euler. Heureusement que,