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CORRESPONDANCE GÉNÉRALE.


quand celui des vendeurs s’accroît ; mais est-ce dans le même rapport ? C’est ce que je ne crois pas. Ainsi le langage géométrique dans ce cas, et dans tous les autres de cette espèce, bien loin de conduire à des idées plus précises, me semble induire en erreur ; on se dit que l’auteur se serait contenté du langage ordinaire, s’il n’avait pas entendu parler d’une proportion rigoureusement exacte.

Vous dites ailleurs que, dans tous les États, c’est toujours par l’avis du plus grand nombre que tout est réglé. Il me semble que cela est tout au plus vrai dans les démocraties. Est-ce que presque partout le plus grand nombre aurait été d’avis de se sacrifier pour le plus petit, de se priver du nécessaire pour que quelques hommes regorgeassent de richesse, de s’excéder de travail pour que leurs oppresseurs fussent rassasiés et encore dégoûtés de plaisirs ? Je ne le crois pas. Dans les États où règne un gouvernement absolu, le plus grand nombre désuni est forcé de se soumettre au plus petit, faute de pouvoir se réunir et s’entendre. Mais votre proposition me paraît vraie en général, pour le commerce, les affaires d’argent, les choses d’opinion, en un mot dans tout ce qui ne peut être forcé par la nature ; mais, malheureuse nient, ces choses-là sont ce qui importe le moins au bonheur de la plus grande partie des hommes, et les mauvaises lois, insuffisantes pour arrêter le cours delà volonté générale, sont au moins suffisantes pour empêcher le bien qui en naîtrait.

Vous voyez, Monsieur, avec quelle liberté je vous parle. Je vous regarde comme un philosophe ami