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CORRESPONDANCE GÉNÉRALE.


le brigandage, et de pareils choix ne sont que trop communs. Vous avez à Milan l’avantage d’avoir un ministre philosophe, qui veut que le peuple soit libre, éclairé et heureux, qui aime la gloire, et qui sait que plus son âme et ses principes seront connus, plus il sera honoré dans cette terre heureuse. Vous avez pu, sans trahir la vérité, parler des intentions bienfaisantes et de l’esprit sage et juste du gouvernement, L’Europe est plus éclairée sans doute que dans le siècle précédent ; les vrais principes de l’économie politique sont établis ; l’utilité d’une administration douce et juste, d’une liberté indéfinie dans le commerce est bien prouvée ; mais tout cela n’existe que pour ceux qui lisent, et par conséquent est nul pour les nations où les ministres ne savent pas lire, et croient que pour gouverner les hommes, un esprit éclairé est moins nécessaire qu’une âme inaccessible à la pitié et aux remords. J’ai ouï dire à des voyageurs qu’il y avait en Europe, quelques peuples où la nature humaine était réduite à ce point d’esclavage et d’avilissement. Je plains ces peuples, et je prie Dieu pour que les ministres de la génération suivante apprennent à lire, et que ce soit dans votre livre.

Pardonnez, Monsieur, si un géomètre a osé vous faire une observation sur un endroit de votre livre où vous employez le langage de la géométrie. Vous dites que le prix est en raison inverse du nombre des vendeurs, et en raison directe de celui des acheteurs. Je sais bien que le prix augmente quand le nombre des acheteurs augmente, et qu’il diminue