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CORRESPONDANCE GÉNÉRALE.


plaisir, et j’espère que nous en aurons bientôt une traduction, et que ceux qui ont le malheur de ne pas entendre la langue de l’Arioste et des philosophes de Milan, ne seront point privés des lumières que vous avez répandues sur une matière également obscure et importante.

Vous avez développé dans votre ouvrage deux grandes vérités : l’une, qu’il était de l’intérêt des des postes de laisser au peuple toute la liberté qui ne nuit point à la constitution établie ; l’autre, que des lois sages et une administration équitable sont le meilleur moyen d’augmenter la reproduction, et par conséquent la puissance et les revenus de l’État. Le bonheur public ne peut être le but immédiat de nos gouvernements absolus ; plus on a d’argent, plus on a de troupes, plus on peut résister à ses ennemis et opprimer ses sujets. L’augmentation de l’argent du fisc est donc la fin à laquelle tout se rapporte, et rien ne serait plus utile pour les hommes, que de persuader aux rois que les mêmes moyens qui rendent les sujets moins malheureux, enrichissent le maître. il y a des pays où les soins du gouvernement se bornent à faire en sorte que le peuple ne meure de faim qu’à la longue, et où l’art de la finance consiste à ne laisser aux citoyens que ce qu’il faut pour qu’ils puissent avoir quelque chose à perdre en se révoltant. Ces principes-là ne sont ni les vôtres ni ceux des honnêtes gens, ni ceux des philosophes qui ont étudié les sciences économiques ; mais ce son ! ceux des gens en place, lorsqu’on les choisit parmi des ignorants élevés dans l’intrigue et vieillis dans