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CORRESPONDANCE


d’autant plus grand, qu’il avait un rapport avec sa situation actuelle [1].

Adieu, je vous embrasse de tout mon cœur. J’écrirai demain à madame d’Enville.



64. A CONDORCET.


A la Roche-Guyon, le 22 octobre 1776.


Mercredi matin.


Nous apprenons dans l’instant la nomination de MM. Taboureau [2] et Necker. Cela est plus qu’incroyable. M. de Maurepas exerce notre foi, et le gouvernement va devenir aussi mystérieux que la théologie. Ce mystère-ci est une véritable trinité. La finance sera gouvernée comme le monde. Le chef du conseil a tout à fait l’air du Père éternel, dont la place doit être vacante depuis quelque temps dans la rue de Sèvres. M. Taboureau représentera l’enfant Jésus ou l’agneau, dont il aura la mansuétude. Pour M. Necker, c’est assurément le Saint-Esprit, et il faut lire les actes des apôtres pour avoir idée du fracas qui accompagnera sa venue. Si cette plaisanterie courait, n’allez pas en nommer l’auteur, et encore moins la prendre sur votre compte. Je plaisante, mais je suis vraiment affligé. Je crains que cet homme dont vous avez blessé l’orgueil n’ait

  1. A cause de mademoiselle de l’Espinasse, morte un mois juste auparavant, le 13 mai 1776.
  2. Taboureau des Réaux, nommé contrôleur général en remplacement de M. de Clugny, successeur immédiat de Turgot. M. de Clugny était mort le 18 octobre.