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CORRESPONDANCE


ler au roi de M. de La Harpe. Si le roi approuve ce vœu des gens de lettres, il me paraît tout simple de les laisser faire ; mais s’il ne l’approuvait pas, alors vous rendriez vraiment service à l’Académie en entrant dans les vues de M. de Saint-Lambert, 1° L’Académie a envie d’élire M. de La Harpe, et, ne le pouvant pas, il est plus honnête pour elle d’être toujours à portée de donner à M. de La Harpe la première place d’homme de lettres ; elle n’a plus l’air d’être contredite dans son vœu, et elle n’est plus forcée à choisir celui qu’elle ne croit point le plus digne. 2° L’Académie ferait un choix qui lui ferait honneur, qui augmenterait sa considération, au lieu que le choix de M. Colardeau, qui fait bien des vers, mais qui n’a d’autre existence morale que celle d’ami de mademoiselle Verrière [1], et d’être un bon enfant, ne fortifierait pas beaucoup l’Académie. On n’élira pas M. de Chabanon, qui, dit-on, n’a pas de talent, mais qui est du moins un homme. Il ne peut être question, par différentes raisons, de M. de Guibert ni de l’abbé Raynal. Les autres choix seraient ridicules. Mettez-moi, je vous prie, en état de répondre à M. de Saint-Lambert le plus tôt possible.

On dit, dans le monde, que l’édit des banalités n’est pas de cette fois-ci. J’avoue que, si cela est vrai, je n’en serais peut-être point fâché, quoique j’abhorre ce genre de vexation. Vous n’auriez fait

  1. Courtisane du grand ton, maîtresse du maréchal de Saxe, célèbre par son luxe et son goût pour les gens de lettres. Marmontel eut avec elle une intrigue qu’il raconte dans le Ier vol. de ses Mémoires d’un père, pour servir à l'instruction de ses enfants.