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CORRESPONDANCE


de manière à faire croire, non pas aux despotes qui ne lisent guère, ni à leurs vizirs qui lisent encore moins, mais aux sous-vizirs ou à leurs espions, que tous les gens d’esprit sont leurs implacables ennemis, ce quipeut exciter une persécution contre les gens d’esprit.

Nous vous attendons avec beaucoup d’impatience ; nous raisonnerons sur tout cela, et nous ne parlerons plus d’exportation. J’ai l’air d’avoir été abîmé sous le poids de la gloire de M. Necker, lequel a été loué dans tous les journaux, parce que les journaux louent toujours les livres des gens riches. On dit que Voltaire a dit en voyant cet écrit : J’ai vu de meilleurs papiers de lui.

Adieu, Monsieur, etc., etc.


37. A TURGOT.


Ce lundi, 13 décembre 1773.


Je viens de recevoir, Monsieur, votre profession de foi [1] , et voici la mienne. Lorsque je suis sorti du collège, je me suis mis à réfléchir sur les idées morales de la justice et de la vertu. J’ai cru observer que l’intérêt que nous avions à être justes et vertueux était fondé sur la peine que fait nécessairement éprouver à un être sensible l’idée du mal que souffre un autre être sensible.

Depuis ce temps, de peur que d’autres intérêts me rendissent méchant, j’ai cherché à conserver ce

  1. On n’a pas retrouvé cette lettre où Turgot faisait sa profession de foi sur Helvétius et le livre de l’Esprit. C’était la seconde sur ce sujet. Voy. la note, p. 219.