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ENTRE TURGOT ET CONDORCET.


de continuer à croire aux causes finales [1]. Je savais bien qu’aucun individu, ni même aucune espèce n’était le centre du système des causes finales, et que l’ensemble de ce système n’est ni ne peut être connu de nous. Cracher du sang, tousser, avoir la goutte, pleurer ses amis, tout cela n’est que l’exécution en détail de l’arrêt de mort prononcé contre tout ce qui naît ; et si nous ne mourons que pour renaître, il sera vrai encore que la somme des biens sera supérieure à celle des maux, toujours en mettant à part les maux que les hommes se font à eux-mêmes, maux passagers, à ce que je crois, pour l’espèce, et qui le seraient aussi pour l’individu, si l’individu pensant et sentant, avait plusieurs carrières successives à parcourir.

Je me flatte que ceux qui pourront un jour naître Limousins ne seront pas privés de la commodité des hottes, grâce au soin que vous voulez bien prendre de nous envoyer un vannier. Je vous remercie du madrigal de l’abbé Arnaud, dont la pensée est agréable, mais les vers un peu duriuscules. J’ai reçu de Genève un morceau sur les probabilités qui est une espèce de plaidoyer pour M. de Morangiés [2]. Cela vaut mieux que de faire des vers au vieil Alcibiade [3]. J’avoue que je ne pardonne pas non plus aux académiciens d’avoir été dîner chez ce fat suranné devenu délateur de ses confrères. Je persiste à croire que

  1. Combattues par Condorcet. Voyez la lettre précédente.
  2. Essai sur les probabilités en fait de justice, dans le tome XLVII des œuvres de Voltaire.
  3. Les Cabales, adressées au maréchal de Richelieu.