Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/404

Cette page n’a pas encore été corrigée
202
CORRESPONDANCE


du lait, et mes plumes sont comme des bâtons. Saez-vous que j’ai pour me divertir un commentaire de dix volumes sur la Bible par le vieux de la Montagne, par Émilie, par son jeune amant [1] : tout cela tiré de la bibliothèque de Cirey.

Écrivez-moi un peu à Ribemont ; j’ai besoin que mes amis me consolent du regret de ne les plus voir.


25. A CONDORCET.


A Usel, le 21 juin 1772.


J’ai reçu. Monsieur, votre lettre du 14, timbrée de Chauni. Quoi que vous en disiez, je crois la satisfaction résultante de l’étude supérieure à celle de toute autre satisfaction. Je suis très-convaincu qu’on peut être, par elle, mille fois plus utile aux hommes que dans toutes nos places subalternes, où l’on se tourmente, et souvent sans réussir, pour faire quelques petits biens, tandis qu’on est l’instrument forcé de très-grands maux. Tous ces petits biens sont passagers, et la lumière qu’un homme de lettres peut répandre doit, tôt ou tard, détruire tous les maux artificiels de l’espèce humaine et la faire jouir de tous les biens que la nature lui offre. Je sais bien qu’avec cela il restera encore des maux physiques et des chagrins moraux, qu’il faudra supporter en pliant la tète sous la nécessité. Mais le genre humain gagnerait beaucoup à s’abonner à ceux-là. Je vous avoue ([ue la goutte ne m’a point empêché

  1. Voltaire, Mme du Chatelet, Saint-Lambert.