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CORRESPONDANCE

Je ne suis pas de voire avis sur le changement des us en a [1] dans les traductions. En lisant le latin, je ne pense jamais au sexe qui parle ou à qui on parle. Le changement est très-bon dans une traduction en vers ; mais dans une en prose comment faire quand la moitié de la pièce, pour être dans nos mœurs, devrait être adressée à une femme par un homme, et l’autre moitié à un homme par une femme ? quand, au lieu d’un trait de la fable, il en faut un autre, peut-on appeler cela une traduction ? D’ailleurs on traduit, ou pour faciliter la lecture de l’original, et alors ce changement nuit au but de la traduction ; ou bien c’est pour en faire connaître le génie, les pensées, les sentiments, et tout cela modifié par les mœurs et les usages du siècle et du pays, et alors il faut dire dans la traduction ce qu’a dit Tibulle ou Catulle, et non point ce qu’ils auraient dû dire s’ils avaient eu des mœurs plus pures. J’ai remis à M. Desmarets le Perse et le Clément. Je lui donnerai incessamment un livre de M. Anquetil sur les Indes et les Indiens, Adieu, Monsieur, j’irai passer au Boulai quelques jours, et alors je répondrai à la longue et excellente lettre.


16. A TURGOT.


Ce dimanche, 18 août 1771.


Monsieur, M. Blin de Saint-More a envoyé à l’Aca-

  1. Par exemple, Galla pour Gallus. Turgot traduisait alors les églogues de Virgile.