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ENTRE TURGOT ET CONDORCET.


Qui répand parmi nous sa sinistre influence,
Et qui, nous inspirant l’horreur de l’existence,
Sur le bord du tombeau qu’on balance à s’ouvrir,
Nous tourmente longtemps du besoin de mourir.


L'autre est une prière de Barnevelt dans sa prison :


Je m’adresse à toi seul, arbitre incorruptible !
Aux yeux du monde entier je suis un monstre horrible :
Il voit mon attentat et ne voit pas mon cœur ;
Toi seul peux comparer mon crime et ma douleur ;
Tu vois nos passions des yeux de la sagesse ;
Des yeux de ta bonté tu vois notre faiblesse,
Et lorsque tout m’accuse et doit me condamner,
Je ne connais que toi qui puisse pardonner.

Le Parlement s’est assemblé deux fois, jeudi et hier ; on dit que l’unanimité chancelle de plus en plus, quoique personne n’ait encore quitté la partie. Les pères de la patrie s’ennuient de ne plus juger et de ne plus aller à la comédie ; car ils se sont interdit les spectacles du jour où ils n’ont plus eu rien à faire. Cependant ils ont refusé d’obtempérer à deux lettres de jussion, et ils se rassembleront samedi. Adieu, Monsieur. Si le peuple avait du pain et des juges qui fissent leur métier gratis, on pourrait se consoler du reste, et attendre avec patience la chute infaillible de la superstition et de tout ce qu’elle produit ou protège.


8. A TURGOT.


Mardi, 25 décembre 1770.


Monsieur, hier, M. de Choiseul et M. de Praslin ont été disgraciés et exilés, l’un à Chanteloup, l’autre