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CORRESPONDANCE


pu rapporter que l'Electricitas vindex, qu’on m’a donné à Genève. M. Desmarets en a été curieux ; je le lui ai prêté, et il s’est chargé de vous l’envoyer. Je ne sais rien de nouveau [1] ; nous gardons le silence comme des armées en bataille, et nous attendons le 3 décembre.

J’ai trouvé Voltaire si plein d’activité et d’esprit, qu’on serait tenté de le croire immortel, si un peu d’injustice pour Rousseau et trop de sensibilité aux sottises de Fréron, ne faisaient apercevoir qu’il est homme. Il fait dans son canton plus de bien que n’en ont jamais fait les évêques d’Annecy depuis François de Sales ; mais il fait à Genève plus de mal que les ducs de Savoie. Ces pauvres Genevois, qui donnaient une retraite à Voltaire, avaient Rousseau pour concitoyen, et que D’Alembert avait rendus dans l'Encyclopédie respectables et intéressants, ont trouvé le secret de chasser Voltaire, de décréter Rousseau et de faire une querelle à D’Alembert. Aussi personne ne s’avisera-t-il plus de dire du bien d’eux, et Genève ne sera plus qu’une petite ville de commerce sans gloire, et, qui pis est, assez mal gouvernée. Nous avons trouvé les chemins du Languedoc beaucoup plus beaux que tous autres, et cela nous a donné occasion de crier contre les corvées, et de bénir ceux qui, comme vous, ont eu le courage de les abolir. Il est singulier que souvent il n’en soit pas besoin pour nuire aux hommes : ils se laissent

  1. Dans l’affaire du parlement. Voyez les deux lettres suivantes du 2 et du 4 décembre.