Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/370

Cette page n’a pas encore été corrigée
168
CORRESPONDANCE

Adieu, Monsieur ; comptez sur les tendres sentiments que je vous ai voués pour la vie.



2. A TURGOT.


Ce 28 juin 1770.


Je suis d’autant plus fâché, Monsieur, du retard de votre lettre, qu’il faudra vraisemblablement qu’elle aille me chercher à Paris, où je vais retourner. J’y serai, je crois, dans huit jours. J’ai lu à Ferney [1] la plus grande partie des deux nouveaux volumes [2]. Il y a des articles qu’il n’aurait pas dû faire, comme quelques-uns qui roulent sur les sciences. Il y en a d’autres qui nous sont assurément fort inutiles ; mais le sont-ils pour tout le monde ? Il en est de ce qu’il fait sur cette matière comme de ses satires contre Pompignan : il n’a cessé que lorsque tout le public a été las de rire aux dépens du psalmiste, et que ses ennemis mêmes ont crié grâce. Il attend pour le reste que le public soit également las de s’en moquer, que le mépris soit devenu du dégoût. En cela il travaille moins pour sa gloire que pour sa cause, et il ne faut pas le juger comme philosophe, mais comme apôtre. Il aime passionnément l’Arioste ; mais je doute qu’il se chargeât d’une entreprise de longue haleine. La haine contre l’intolérance et la superstition est le seul sentiment qui puisse lui donner la force d’écrire encore de longs ouvrages.

  1. Où il était allé avec D’Alembert.
  2. Des Questions sur l'Encyclopédie.