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ENTRE VOLTAIRE ET CONDORCET.


à une seconde lecture, et je crois même actuellement qu’elle n’est pas de lui [1]. Je ne peux pas m’imaginer qu’un précepteur des enfants de France ait fait une démarche aussi imprudente et aussi fanatique, ni qu’un homme vertueux ait eu la bassesse d’écrire une lettre anonyme contre l’archevêque de Paris et contre le confesseur du roi. Il ne me parait pas vraisemblable qu’un homme qui aspirait aux premières places, eût pu faire un crime au roi de s’être emparé de Strasbourg, ayant gagné les membres de l’hôtel de ville, et ayant surtout un extrême besoin de cette ville qui donnait une entrée continuelle aux armées de l’Empire.

Je trouve d’ailleurs dans cette lettre des répétitions, du vague. Je crois bien que l’auteur des Maximes des Saints avait une tête exaltée ; mais il y a, ce me semble, une si énorme folie à écrire une pareille lettre, que je n’ose en croire Fénelon capable. Du moins, si l’avoir écrite est d’un fou, l’avoir supprimée est d’un sage. J’ai vu des manuscrits de la main de Fénelon, et je crois que je reconnaîtrais l’écriture, si quelque jour je pouvais voir l’original de cette lettre.

Je suis très-affligé de ce qui se passe dans notre Académie. Je serai tendrement attaché, tant que je respirerai, à celui qui fait la gloire de l’Académie des sciences, et je souhaite qu’il daigne un jour faire la nôtre.

Je le remercie de la bonté qu’il a eue de m’accor-

  1. La lettre de Fénelon à Louis XIV est très-authentique. Elle a été publiée en 1825 par M. Renouard père, qui en possédait l’original, de la main même de Fénelon.