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CORRESPONDANCE


vous ressemblez aux gens qui, lorsqu’il y a relâche au théâtre de Zaïre, vont applaudir à celui d’Arlequin. Ce monsieur de l’Enveloppe a passé sa vie à gagner de l’argent et à souffler des boules de savon. Il fera par vanité une partie des bonnes choses que Caton [1] faisait par vertu ; mais comme de l’admiration à l’imitation il n’y a qu’un pas, je me rappelle avec tremblement que Colbert commença son ministère par une banqueroute, et le finit par de la fausse monnaie. Savez-vous que l’imitation est déjà entrain, et que monsieur de l’Enveloppe ne veut pas plus avoir été commis-banquier, que Colbert ne voulut être fils d’un marchand ? D’ailleurs je ne puis rien espérer d’un homme qui croit que les tragédies de Shakspeare sont des chefs-d’œuvre, et qui s’extasie quand on lui va conter qu’une comète a détaché les planètes du soleil, et que notre globe se gèlera dans 74 mille ans. L’esprit qui fait arriver à ces belles choses, est l’opposé de celui qui sert à bien administrer les États. Que voulez-vous que devienne un pauvre peuple, dont le contrôleur général calculerait en finance comme M. de Buffon calcule en astronomie ? Au reste, monsieur de l’Enveloppe a obtenu le rappel des économistes exilés. C’est toujours une bonne chose, et quoiqu’il eût été l’agresseur dans leur querelle, il est toujours beau de faire du bien à ses ennemis.

Je ne connais pas vos vers sur les deux Enveloppes ; on ne les montre point par modestie ou par

  1. Turgot.