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CORRESPONDANCE

L’autre charlatan [1] qui, sans connaître Gilles Shakspeare, veut nous le faire adorer, et qui a formé une grande cabale à la cour pour empêcher qu’on ne se moquât de lui, n’est pas moins ridicule ; mais il n’a pas été si heureux.

Vous me parlez de ces Sauvages qui comptent jusqu’à trois. Hélas ! je sais bien qu’on ne leur apprendra jamais que deux et deux font quatre. Il y a parmi ces barbares une foule de polissons de bonne foi, qui m’assassinent continuellement de lettres anonymes, telles que frère Garasse en aurait écrit à Théophile. J’ai lu comme vous le commentaire des aumôniers. Je ne m’étonne pas qu’ils se soient dégoûtés de leur travail ; car, en vérité, le sujet est horriblement dégoûtant, et ceux que leur intérêt attache au texte sont horriblement fripons.

J’avais toujours cru que c’était une étrangère [2] qui avait imaginé le squelette en marbre, et je l’avais cru parce qu’on me l’avait fait croire.

Le grand homme qui lit l’Arioste [3] a bien raison ; il vaut mieux voyager avec Astolphe dans la lune, que de s’obstiner à faire du bien malgré certaines gens, ce qui était en effet vouloir prendre la lune avec les dents. Je souffre beaucoup à cause de ce juste. Sa patrie ne le méritait pas.

Continuez à faire honneur à cette patrie qui ne le mérite guère, et conservez-moi un peu d’amitié,

  1. Letourneur.
  2. Mme Necker.
  3. Turgot, disgracié.