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ENTRE VOLTAIRE ET CONDORCET.


Je vous aime de tout mon cœur, et je vous suis bien respectueusement dévoué.



63. A CONDORCET.


7 septembre 1776.


Ce Monsieur de Castillon de Berlin est en vérité un grand philosophe. Tout ce que Monsieur de Condorcet pourra faire sera de lui ressembler ; mais il ne le surpassera jamais [1].

Je suis dans une amertume continuelle depuis qu’on nous a ôté le protecteur du peuple et celui de ma province. Depuis ce jour fatal, je n’ai suivi aucune affaire, je n’ai rien demandé à personne, et j’ai attendu patiemment qu’on nous égorgeât.

Je me suis un peu dépiqué contre cet étonnant Welche [2], qui est assez insolent, assez fou, assez Gilles, pour nous proposer de mettre Shakspeare à la place de Corneille.

Si l’excès de sa turpitude doit nous faire vomir, l’excès de son insolence orgueilleuse devait nous faire horreur. Je ne puis croire qu’il se trouve un seul Français assez sot et assez lâche pour déserter nos troupes, et pour servir sous ce misérable transfuge de Letourneur : mais personne ne se joindra-t-il à moi pour le combattre ? serai-je le seul qui

  1. Castillon, de l’Académie de Berlin, est le pseudonyme sous lequel Condorcet publia l’éloge de Pascal, suivi de remarques sur les Pensées.
  2. Letourneur.