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CORRESPONDANCE


tôt contre un livre sur les droits féodaux [1], et tantôt contre un dictionnaire théologique, ensuite contre un monarque accompli. On insinuait adroitement que M. Turgot voulait anéantir les privilèges de la noblesse, et que depuis son ministère l’impiété et la sédition marchaient tète levée. Il n’eut pas de peine à faire sentir au roi l’absurdité du parlement. Mais M. de Maurepas montrait de son côté les parlements révoltés, la noblesse dans l’inquiétude, les financiers prêts à faire banqueroute. Le roi, peu éclairé, n’ayant aucun principe fixe, porté naturellement à la défiance, penchant que M. de Maurepas augmentait en lui disant du mal de tous les gens honnêtes, était ébranlé.

M. de Malesherbes eut alors l’imprudence de confier à M. de Maurepas le dessein qu’il avait de se retirer. Né avec beaucoup d’esprit, de facilité pour les sciences, et d’éloquence naturelle, il a, soit par goût, soit par défaut de rectitude dans l’esprit, un penchant pour les idées bizarres et paradoxales ; il trouve dans son esprit des raisons sans nombre pour défendre le pour et le contre, et n’en trouve jamais aucune pour se décider. Particulier, il avait employé son éloquence à prouver aux rois et aux ministres qu’il fallait s’occuper du bien de la nation ; devenu ministre, il l’employait à prouver que le bien est impossible.

Quelques dégoûts qu’il a éprouvés ; la perte de sa considération dans le public, causée parce qu’on ne voyait sortir de son département ni lois utiles, ni

  1. Par M. de Boncerf. Voyez les lettres 54 et 57.