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ENTRE VOLTAIRE ET CONDORCET.

L’affaire de Panckoucke [1] est cent fois plus pressante et sera cent fois plus affreuse. Je prends mes mesures pour n’être point obligé de m’en mêler ; mais je suis indigné contre Panckoucke et sa sœur [2], qui ne me font point de réponse ; il m’en faut une, et très-positive, et très-détaillée. Il faut que Panckoucke renvoie à Genève les poisons qu’il y a achetés. S’il en garde un seul dans sa boutique, il sera infailliblement empoisonné, comme Locuste le fut dans son laboratoire. Cela va faire un vacarme abominable. Cramer est heureux ; il a gagné quatre cent mille francs avec mon seul nom, tandis que les gredins de la littérature pensent que j’ai vendu mes ouvrages à Cramer. Ce Genevois dans Genève, fruitur diis iratis [3]. Mais je ne veux pas être la victime de son bonheur. Je ne veux l’être de personne, et il n’y a point d’extrémité où je ne me porte, plutôt que de souffrir qu’on vende sous mon nom des infamies auxquelles je n’ai nulle part, et dont tous les auteurs sont connus. Je saurai quitter la ville que j’ai bâtie et les jardins que j’ai plantés. Je saurai mourir ailleurs ; mais que Panckoucke ne me regarde pas comme un homme qu’on puisse offenser impunément.

Je vous ouvre mon cœur, mon illustre ami ; il est navré de douleur.

Je viens de lire un mémoire à consulter sur l’existence actuelle des six corps, et la conservation de

  1. Voyez ci-dessus, lettres 49, 51, 52.
  2. Madame Suard.
  3. Juvénal, parlant de Marius : Exsul ab octava Marius bibit, et fruitur diis iratis (I, 49).