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CORRESPONDANCE


libraire, il ne résultera rien de cette opération de commerce. Personne n’en parle ici. Comme il n’y a personne ayant un peu de livres, qui n’ait au moins une collection à peu près semblable, il est impossible qu’elle fasse le moindre bruit.

Adieu, je vous embrasse et vous exhorte à ne pas laisser si aisément troubler votre repos. Empêchez seulement que la querelle de Cramer ne fasse de l’éclat, non qu’elle pût vous compromettre, mais parce qu’elle est scandaleuse.


50. A CONDORCET.


16 février 1776.


Nos lettres se sont croisées, mon cher et respectable philosophe. Le sauvage américain dont vous me parlez [1] ne m’étonne point ; mais il m’effraye, car je sais, à n’en pouvoir douter, qu’il est de la horde des autres sauvages français qui ont juré une haine immortelle à la raison.

Je crois vous avoir parlé d’une autre aventure qui est poussée beaucoup plus loin que la vôtre. Il s’agit d’un M. de Lisle de Sales, persécuté en 1776, pour un livre trop orthodoxe, intitulé la Philosophie de la nature, écrit il y a quinze ans, et imprimé en

  1. D’Esprémenil. « L’Esprémenil est un petit Américain qui, à force de faire donner des coups de fouet à ses nègres, est parvenu au point d’avoir assez de sucre et d’indigo pour acheter une charge de conseiller du roi brûleur de papier. » Page 88.