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ENTRE VOLTAIRE ET CONDORCET.


toujours les écrouelles ; c’est pour elle-même qu’on laissera subsister les moines qui dévorent sa substance. Nous ne pourrons jamais détruire des abus qu’on a le malheur de croire nécessaires au maintien des États, et qui gouvernent presque toute l’Europe.

Ces abus sont le patrimoine de tant d’hommes puissants, qu’ils sont regardés comme des lois fondamentales. Presque tous les princes sont élevés dans un profond respect pour ces abus. Leur nourrice et leur précepteur leur mettent à la bouche le même frein que le cordelier et le récollet mettent à la gueule du charbonnier et de la blanchisseuse. Tout ce qu’on pourra faire, sera d’éclairer peu à peu la jeunesse qui peut avoir un jour quelque part dans le gouvernement, et de lui inspirer insensiblement des maximes plus saines et plus tolérantes. Ne nous refroidissons point, mais ne nous exposons pas ; songez que les premiers chrétiens mêmes laissaient mourir leurs martyrs ; soyez sur qu’on soupait gaîment dans Carthage le jour qu’on avait pendu saint Cyprien.

Vous me parlez des esclaves de la Franche-Comté : je vous assure que ces esclaves ne feraient pas la guerre de Spartacus pour sauver un philosophe ; cependant il faut les secourir puisqu’ils sont hommes. J’attends le moment favorable pour faire présenter une requête à M. Turgot et à M. de Malesherbes. Nous avons retrouvé un édit minuté sous Louis XIV, parle premier président de Lamoignon, bisaïeul de M. de Malesherbes : cet édit abolissait la mainmorte par tout le royaume, selon les vues de saint Louis,