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ENTRE VOLTAIRE ET CONDORCET.


de votre chevalier, que vous l’aviez exhorté à faire imprimer tout cela.

Je ne puis croire que vous ayez donné un si détestable conseil. Je conviens que l’épître de ce Morton est semée de quelques vers détachés fort beaux ; mais ils ne peuvent servir qu’à nous susciter des ennemis implacables, et à réveiller la rage des anciens persécuteurs. Pour les autres versde ce Morton, ils sont très-mauvais, et c’est me déshonorer que de me les attribuer. Figurez-vous qu’un chevalier de Cubières de Palmezeaux, faisant des vers (qui demeure aux écuries de la reine), vient de m’écrire : A M. le chevalier de Morton, au château de Ferney [1]. Je serai dans la triste obligation d’écrire pour détromper le public. On aurait bien dû épargner à ma vieillesse ces désagréments insupportables ! Mais je dois les oublier en faveur du bien que vous allez faire à ce brave et sage d’Étallonde.

Ce n’est pas en attaquant maladroitement et hors de propos la Sorbonne et Riballier qu’un Écossais, nommé Morton, réussira à faire rendre justice à un

  1. Ce Cubières, qui se faisait appeler tantôt Dorat-Cubières, tantôt Cubières de Palmezeaux, était précisément l’auteur de la fameuse épître du chevalier Morton à M. de Tressan ; c’était pousser la plaisanterie jusqu’à l’insolence. Heureusement pour le coupable, Voltaire n’en soupçonnait rien, et dans sa réponse, en date du 26 avril 1775, il proteste ingénument à ce Cubières de n’être point le chevalier Morton, et tente de le lui prouver par la critique des vers dudit Morton. Les œuvres de Cubières, en 5 petits volumes in-18, ornaient il y a vingt ans tous les parapets de la Seine ; elles ont disparu même de cet asile.