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ENTRE VOLTAIRE ET CONDORCET.


réitérés du roi son maître d’agir en faveur du jeune homme.

Nous savons bien qu’il y a des cas où il ne faudrait pas se servir de la recommandation de Frédéric ; mais ici on ne peut se dispenser de l’employer en faveur d’un de ses officiers, surtout quand lui-même ordonne à son ministre de suivre une affaire si juste.

M. de Maurepas doit sentir plus que personne l’atrocité et l’absurdité du jugement d’Abbeville, dont nous sommes bien résolus de ne demander la cassation qu’au conseil du roi, et de ne la demander que quand nous serons moralement sûrs de l’obtenir. Je vous réponds d’avance que nous aurons des moyens suffisants et très-simples. Figurez-vous qu’un dévot avec un monitoire intimida et menaça de l’enfer cent quarante témoins pour les faire déposer contre le chevalier de La Barre et d’Élallonde, et que de ces cent quarante témoins il n’y en a eu cependant qu’un seul qui ait déposé une chose un peu grave. Figurez-vous que les Pilates d’Abbeville n’étaient que trois ; figurez-vous que des vingt-cinq Pilâtes de la grand’chambre des pairs, il n’y en eut que deux qui firent passer l’abominable arrêt. D’Hornoy le sait ; d’Hornoy me l’a écrit. Quoi ! deux voix de plus suffisent pour dévouer deux enfants innocents au supplice des parricides ! Les anciens avaient des juges dans les enfers, nous avons eu des furies sur les fleurs du lis !

J’ai tant de choses à dire que je ne dis plus mot. Mais si je vis encore six mois, j’espère dire sur cette affaire des vérités terribles. Raton y brûlera ce qui peut lui rester de pattes. Il ne se sert à présent de ses