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CORRESPONDANCE


Ce jeune gentilhomme est digne en effet de toute la protection du roi son maître. Son éducation avait été si négligée, qu’il ne savait pas même l’arithmétique. Il a appris chez moi [1] a géométrie, et suttout la géométrie pratique, en très-peu de temps. Il sait lever des plans avec une facilité surprenante. Il vient de dessiner très-proprement tout le pays qui est entre les Alpes et le mont Jura, le long du lac de Genève, et j’envoie cet ouvrage au roi son maître dès aujourd’hui. Il sera certainement le meilleur ingénieur de son armée. Quant aux pièces nécessaires, je les attends depuis quatre mois, et je les attends encore. Tout ce que je sais, c’est que son abominable affaire fut le fruit d’une tracasserie de petite ville et d’une inimitié de famille. Un des juges, avant de mourir, se fit traîner chez un oncle du jeune homme, ancien chevalier de Saint-Louis, et lui demanda publiquement pardon de son exécrable injustice.

Il est étrange qu’il soit si difficile de réparer le crime absurde qu’il a été si facile aux juges de commettre. Mais enfin il faut attendre les pièces ; rien ne presse. Je me recommande, en attendant, à la sagesse, au génie et à la vertu ; ce n’est pas Raton qui écrit aux Bertrands, c’est Porphyre qui écrit aux Epictète.

  1. Frédéric, ayant pris d’Étallonde à son service, lui avait accordé un congé d’un an, que ce jeune homme vint passer à Ferney.