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ENTRE VOLTAIRE ET CONDORCET.


arracher la langue avec des tenailles, de quoi le brûler vif ! Il se peut que chez les Welches, souvent aussi barbares que frivoles, on ait rendu autrefois quelques sentences qui aient servi de modèle a celle-ci ; mais parce que la canaille de Paris a mangé autrefois le cœur du maréchal d’Ancre, faudrait-il s’occuper de nos jours du cœur d’un maréchal de France mis sur le gril ? Enfin, mon sage, vous entreprendrez là un bel et difficile ouvrage ; mais le succès en serait à jamais honorable.

Pour d’Étallonde, je le garderai chez moi tant que le roi de Prusse voudra bien me le confier. Il lui a donné un congé d’un an, ce qu’il n’a jamais fait encore pour aucun officier. L’année expirera dans peu de mois. C’est à M. D’Alembert à piquer d’honneur le roi de Prusse dans cette affaire, et à y intéresser son cœur et sa gloire ; il faut que ce prince ne recule jamais, puisqu’il a tant fait que de recommander ce jeune homme.

Pour moi, je n’ai jamais eu dessein de gâter cette affaire en y paraissant, puisque je l’ai léguée à vous, à M, D’Alembert, à M. d’Argental et à mon neveu d’Hornoy, très-capable de vous servir avec un zèle infatigable dans le labyrinthe parlementaire.

C’est à moi de me taire, de me cacher, et à vous d’agir, suivant la bonne pensée qui vous est venue [1].

  1. L’équité nous oblige de remarquer que Condorcet n’a jamais réclamé de part dans cette affaire, dont l’honneur principal lui appartient. Dans sa biographie de Voltaire, il s’exprime là-dessus en termes généraux, dont on appréciera la modestie en les rapprochant du témoignage de Voltaire lui-même :