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CORRESPONDANCE


de cette brochure n’a fourni que des pierres avec lesquelles on lapidera les philosophes. Je veux bien être lapidé pour sauver d’honnêtes gens, mais je ne veux pas mourir injustement et inutilement. Il n’est pas juste qu’un abbé Sabotier, le plus vil des scélérats, compilateur du système de Spinosa (et non de la vie de Spinosa, comme ledit la lettre du Théologien), un soi-disant homme de lettres qui n’a fait que des vers aussi infâmes que plats, un domestique qui a volé ses maîtres, un fripon échappé des cachots où il avait, été renfermé à Strasbourg ; il n’est pas juste, dis-je, qu’un tel homme puisse être, avec quelque apparence de raison, la cause du malheur des hommes les plus respectables et du mien. On doit me laisser mourir en repos. En un mot, je ne suis point l’auteur de la lettre d’un Théologien ; je ne dois pas passer pour l’être : et je suis bien sûr que vous et vos amis vous me rendrez cette justice. Peut-être le gouvernement, occupé de choses plus importantes, ne fera-t-il nulle attention à cette brochure. Mais peut-être en recherchera-t-on l’auteur, et exercerai-on la plus grande sévérité. Dans cette incertitude, je ne puis vous exprimer mon affliction et ma crainte. J’attends mon repos de la vérité et de votre amitié.

Ma fin est triste ; je souffre des tourments inexprimables dans mon pauvre corps qui va se dissoudre ; faut-il souffrir encore dans mon âme immortelle ?

Je vous supplie de conférer avec Bertrand et de m’éclairer tous deux.