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ENTRE VOLTAIRE ET CONDORCET.


d’ennemis que n’en eut Racine. Dieu veuille qu’il trouve un Louis XIV ! J’ai peur qu’il ne rencontre que des Pradons. Il a, de plus, un grand malheur ; c’est d’être né dans un siècle dégoûté, qui^ ne veut plus que des drames et des doubles croches, et qui au fond ne sait ce qu’il veut. Le public est à table depuis quatre-vingts ans : il boit enfin de mauvaise eau-de-vie sur la fin du repas.

Les hommes de génie peuvent dire, dans ce temps, qu’ils sont nés mal à propos. Ce n’est pas pour vous que je parle, ni pour Bertrand, car vous êtes nés tous deux pour honorer votre siècle et pour nous défaire de la multitude d’insectes qui bourdonnent et qui voudraient piquer.

Je suis bien aise que l’insecte qui a voulu ressusciter le procès de M. de Morangiés ait été écrasé par la commission du conseil ; cet insecte était dangereux : il donnait au mensonge l’air de la vérité. — J’ai lu une moitié de son mémoire, qu’on m’a envoyé. Il faut que le rapporteur du conseil ait un esprit bien fin et bien juste pour avoir démêlé toutes les petites fourberies dont ce mémoire atroce fourmille. Il me semble que M. de Sartine est très-outragé dans ce mémoire sous le nom général de la Police. Je ne sais rien de plus punissable.

On me console en m’assurant que les assassins du chevalier de La Barre ne reviendront point pour être nos tyrans, en faisant semblant d’être les protecteurs du pauvre peuple, qui n’est que le sot peuple.

On parle de prochains changements dans le mi-