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CORRESPONDANCE

Ce sont les Sabotiers [1] qui sont sots et méchants ; mais je crois la nature bonne et sage ; il est vrai qu’elle fait quelquefois des pas de clerc : je ne la crois ni impeccable ni infinie. Je pense que son intelligence a tout fait pour le mieux, et que dans ce mieux il y a encore bien du mal. Tout cela est une affaire de métaphysique qui n’a rien à faire avec la morale, et qui n’empêche pas que les Véron [2], les Clément, les Sabatier, etc., ne soient la plus méprisable canaille de Paris.

Comme je sais que vos mathématiques ne vous empêchent point de cultiver les belles-lettres, permettez-moi de vous demander si vous avez lu le Connétable de Bourbon [3], de M. de Guibert. Sa Tactique n’est pas un ouvrage de belles-lettres, mais elle m’a paru un ouvrage de génie. Il y a une autre sorte de génie dans le Connétable. Je ne sais si notre frivole Paris est digne de deux ouvrages excellents qui parurent l’année passée : c’est la Tactique et la Félicité publique. Je ne me connais ni à l’un ni à l’autre de ces sujets, mais je voudrais que ceux qui sont à la tête du gouvernement eussent le temps de bien examiner si M. de Chastellux et M. de Guibert ont raison.

  1. L’abbé Sabatier (de Castres), auteur des Trois siècles de la littérature.
  2. Adversaire du comte de Morangiés, de qui Voltaire avait embrassé la défense.
  3. Tragédie qui fit grand bruit, et avec la Tactique, dont il est question plus loin, mit M. de Guibert tout à fait à la mode.