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CLXIV
BIOGRAPHIE


seul pouvait guérir, le temps seul guérit, en effet, la profonde blessure qui rendit notre confrère si malheureux.

Si le public avait grandement tort de refuser à Condorcet la sensibilité, il ne se trompait pas moins en l’accusant de sécheresse en matière d’art.

Lisait-on pour la première fois à l’Académie française, ou dans le monde, une de ces productions littéraires qui sont l’honneur et la gloire du dix-huitième siècle ; Condorcet restait complètement impassible au milieu des bruyants transports d’admiration et d’attendrissement qui retentissaient autour de l’auteur. Il paraissait n’avoir pas écouté ; mais, pour peu que les circonstances l’y amenassent, il faisait l’analyse minutieuse de l’ouvrage, il en appréciait les beautés, il en signalait les parties faibles avec une finesse de tact, avec une rectitude de jugement admirables, et récitait sans hésiter, à l’appui de ses remarques, de longues tirades de prose ou des centaines de vers qui venaient de se graver, comme par enchantement, dans une des plus étonnantes mémoires dont les annales littéraires aient jamais fait mention.