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CLVII
DE CONDORCET.


de Bourg-la-Reine ouvrit la porte de son cachot pour remettre aux gendarmes le prisonnier encore inconnu qu’on devait conduire à Paris, il ne trouva plus qu’un cadavre. Notre confrère s’était dérobé à l’échafaud par une forte dose de poison concentré, qu’il portait depuis quelque temps dans une bague[1].

Bochard de Saron, Lavoisier, la Rochefoucauld, Malesherbes, Bailly, Condorcet, tel fut le lugubre contingent de l’Académie pendant nos sanglantes discordes. Les cendres de ces hommes illustres ont eu des destinées bien diverses. Les unes reposent en paix, justement entourées des regrets universels ; les autres sont soumises périodiquement au souffle empesté et trompeur des passions politiques.

J’espère que les forces ne trahiront pas ma volonté, et que bientôt, à cette même place, je pourrai dire ce que fut Bailly. Aujourd’hui, je n’aurais pas accompli ma tâche dans ce qu’elle

  1. Ce poison (on ignore sa nature) avait été préparé, dit-on, par un médecin célèbre. Celui avec lequel Napoléon voulut se donner la mort à Fontainebleau, avait la même origine et datait de la même époque.