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CXLIX
DE CONDORCET.


J’oserai dire, en vérité, qu’il n’existe dans aucune langue rien de mieux pensé, de plus attendrissant, de plus suave dans la forme, que les passages du testament de notre confrère intitulés : Avis d’un proscrit à sa fille. Je regrette que le temps ne me permette pas d’en citer quelques fragments.

Ces lignes si limpides, si pleines de finesse et de naturel, furent écrites par Condorcet le jour même où il allait volontairement s’exposer à un immense danger. Le pressentiment d’une fin violente, presque inévitable, ne le troublait pas ; sa main traçait ces terribles expressions : Ma mort, ma mort prochaine ! avec une fermeté que les stoïciens de l’antiquité eussent enviée. La sensibilité dominait, au contraire, la force d’âme, quand l’illustre proscrit croyait entrevoir que madame de Condorcet pourrait aussi être entraînée dans la sanglante catastrophe qui le menaçait. Alors, il n’abordait plus les réalités de front ; on dirait qu’il cherchait à voiler à ses propres yeux les horreurs de la situation par des artifices de style.

« Si ma fille était destinée à tout perdre, » voilà ce que l’époux insérera de plus explicite