demandait encore notre confrère, dans son
inquiète sollicitude. Il semble, en effet, impossible qu’une dame du grand monde, habituée à
être servie et non à servir les autres, conquière
à force de travail, de suffisantes ressources
pour elle, sa jeune fille, sa sœur maladive et
une vieille gouvernante. Ce qui paraissait impossible, ne tardera pas à se réaliser. Le besoin
de se procurer l’image des traits de ses parents,
de ses amis, n’est jamais plus vif qu’en temps
de révolution. Madame de Condorcet passera
ses journées à faire des portraits : tantôt dans
les prisons (c’étaient les plus pressés) ; tantôt
dans les silencieuses retraites que des âmes
charitables procuraient à des condamnés ; tantôt,
enfin, dans les salons brillants ou dans les
modestes habitations des citoyens de toutes les
classes qui se croyaient menacés d’un danger
prochain. L’habileté de madame Condorcet rendra
beaucoup moins vexatoires, beaucoup moins
périlleuses, les perquisitions souvent renouvelées
que des détachements de l’armée révolutionnaire
iront opérer dans sa demeure d’Auteuil. Sur la demande des soldats, elle reproduira leurs traits avec le crayon ou le
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BIOGRAPHIE