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différemment[1]. C’eſt pourquoi il nous a paru inutile de ſuppoſer que l’ame tient immédiatement de la nature toutes les facultés dont elle eſt douée.

  1. Mais, dira-t-on, les bêtes ont des Senſations, & cependant leur ame n’eſt pas capable des mêmes facultés que celle de l’homme. Cela eſt vrai, & la lecture de cet ouvrage en rendra la raiſon ſenſible. L’organe du tact eſt en elles moins parfait ; & par conſéquent, il ne ſauroit être pour elles la cauſe occaſionnelle de toutes les opérations qui ſe remarquent en nous. Je dis la cauſe occaſionnelle, parce que les Senſations ſont les modifications propres de l’ame, & que les organes n’en peuvent être que l’occaſion. De là le Philoſophe doit conclure, conformément à ce que la foi enſeigne, que l’ame des bêtes eſt d’un ordre eſſentiellement différent de celle de l’homme. Car ſeroit-il de la ſageſſe de Dieu qu’un eſprit capable de s’élever à des connaiſſances de toute eſpéce, de découvrir ſes devoirs, de mériter & de démériter, fût aſſujetti à un corps, qui n’occaſionneroit en lui que les facultés néceſſaires à la conſervation de l’animal ?