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il y a quatre-vingts ans que le mouvement de tous les airs de Ballet étoit un mouvement lent, & leur chant, s’il est permis d’user de cette expression, marchoit posément, même dans sa plus grande gaïeté. » Voilà la musique que regrettoient ceux qui blâmoient Lulli.

§. 53. La musique est un art où tout le monde se croit en droit de juger, & où, par conséquent, le nombre des mauvais juges est bien grand. Il y a sans doute, dans cet art, comme dans les autres, un point de perfection, dont il ne faut pas s’écarter : voilà le principe. Mais qu’il est vague ! Qui jusqu’ici a déterminé ce point ? &, s’il ne l’est pas à qui est-ce à le reconnoître ? Est-ce aux oreilles peu exercées, parce qu’elles sont en plus grand nombre ? Il y a donc eu un temps où la musique de Lulli a été justement condamnée. Est-ce aux oreilles sçavantes, quoiqu’en petit nombre ? Il y a donc aujourd’hui une musique qui n’en est pas moins belle, pour être différente de celle de Lulli.