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qu’on ne devroit pas être surpris que notre musique ne produisît pas des effets aussi surprenans que celle des anciens. Il faudroit, pour juger de son pouvoir, en exécuter des morceaux devant des hommes qui auroient beaucoup d’imagination, pour qui elle auroit le mérite de la nouveauté, & dont la déclamation, faite d’après une prosodie qui participeroit du chant, seroit elle-même chantante. Mais cette expérience seroit inutile, si nous étions aussi portés à admirer les choses qui sont proches de nous, que celles qui s’en éloignent.

§. 49. Le chant fait pour des paroles est aujourd’hui si différent de notre prononciation ordinaire & de notre déclamation, que l’imagination a bien de la peine à se prêter à l’illusion de nos tragédies mises en musique. D’un autre côté, les grecs étoient bien plus sensibles que nous ; parce qu’ils avoient l’imagination plus vive. Enfin les musiciens prenoient les momens les plus favorables pour les émouvoir. Alexandre,