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§. 25. Les mêmes causes qui font varier la voix par des intervalles

    Ceux qui jouent les Comédies, dit Quintilien, ne s’éloignent pas de la nature dans leur prononciation, du moins assez pour la faire méconnoître : mais ils relevent par les agrémens que l’art permet, la manière ordinaire de prononcer. Qu’on juge si c’est-là chanter, dit l’Abbé du Bos. Oui, supposé que la prononciation que Quintilien appelle naturelle, fut si chargée d’accens qu’elle approchât assez du chant, pour pouvoir être notée, sans être sensiblement altérée. Or cela est surtout vrai du tems où ce Rhéteur écrivoit ; car les accens de la langue Latine s’étoient fort multipliés.
    Voici un fait, qui, au premier coup d’œil, paroît encore plus favorable à l’opinion de l’Abbé du Bos. C’est qu’à Athenes on faisoit composer la déclamation des loix, & accompagner d’un instrument celui qui les publioit. Or est-il vraisemblable que les Athéniens fissent chanter leurs Loix ? Je réponds qu’ils n’auroient jamais songé à établir un pareil usage, si leur prononciation avoit été comme la nôtre, parce que le chant le plus simple s’en seroit trop écarté : mais il faut se mettre à leur place. Leur langue avoit encore plus d’accens que celle des Romains ; ainsi une déclamation dont le chant étoit peu chargé, pouvoit apprécier les inflexions de la