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idées sensibles à préparer l’intelligence des notions abstraites. Est-il raisonnable de commencer par l’idée du possible pour venir à celle de l’existence ? Ou par l’idée du point pour passer à celle du solide ? Les élemens des sciences ne seront simples et faciles, que quand on aura pris une méthode toute opposée. Si les philosophes ont de la peine à reconnoître cette vérité ; c’est parce qu’ils sont dans le préjugé des idées innées, ou parce qu’ils se laissent prévenir pour un usage que le temps paroît avoir consacré. Cette prévention est si générale, que je n’aurai presque pour moi que les ignorans : mais ici les ignorans sont juges, puisque c’est pour eux que les élemens sont faits. Dans ce genre, un chef-d’œuvre aux yeux des sçavans remplit mal son objet, si nous ne l’entendons pas.

Les géomètres mêmes, qui devroient mieux connoître les avantages de l’analyse que les autres philosophes, donnent souvent la préférence à la synthèse. Aussi, quand ils sortent de leurs calculs pour entrer