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les signes avec les choses nous est devenu si naturel, quand nous n’étions pas encore en état d’en peser la valeur, que nous nous sommes accoutumés à rapporter les noms à la réalité même des objets, et que nous avons cru qu’ils en expliquoient parfaitement l’essence. On s’est imaginé qu’il y a des idées innées, parce qu’en effet il y en a qui sont les mêmes chez tous les hommes : nous n’aurions pas manqué de juger que notre langage est inné, si nous n’avions sçu que les autres peuples en parlent de tout différens. Il semble que dans nos recherches tous nos efforts ne tendent qu’à trouver de nouvelles expressions. A peine en avons-nous imaginé, que nous croyons avoir acquis de nouvelles connoissances. L’amour propre nous persuade aisément que nous connoissons les choses, lorsque nous avons long-tems cherché à les connoître, et que nous en avons beaucoup parlé.

§. 7. En rappellant nos erreurs à l’origine que je viens d’indiquer, on