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les idées et les maximes, que nous trouvons en nous, auroient pu s’y introduire ; nous ne nous rappellons pas d’en avoir été privés. Nous en jouissons donc avec sécurité. Quelque défectueuses qu’elles soient, nous les prenons pour des notions évidentes par elles-mêmes : nous leur donnons les noms de raison, de lumière naturelle, ou née avant nous, de principes gravés, imprimés dans l’ame. Nous nous en rapportons d’autant plus volontiers à ces idées, que nous croyons que, si elles nous trompoient, Dieu seroit la cause de notre erreur, parce que nous les regardons comme l’unique moyen qu’il nous ait donné pour arriver à la vérité. C’est ainsi que des notions avec lesquelles nous ne sommes que familiarisés, nous paroissent des principes de la derniere évidence.

§. 5. Ce qui accoutume notre esprit à cette inexactitude, c’est la manière dont nous nous formons au langage. Nous n’atteignons l’âge de raison que long-tems après avoir contracté l’usage de la parole. Si l’on