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également l’exercice de ces deux opérations. La nôtre par la simplicité & par la netteté de ses constructions donne de bonne heure à l’esprit une exactitude, dont il se fait insensiblement une habitude, & qui prépare beaucoup les progrès de l’analyse ; mais elle est peu favorable à l’imagination. Les inversions des langues anciennes étoient au contraire un obstacle à l’analyse, à proportion que contribuant davantage à l’exercice de l’imagination, elles le rendoient plus naturel que celui des autres opérations de l’ame. Voilà, je pense, une des causes de la supériorité des philosophes modernes, sur les philosophes anciens. Une langue aussi sage que la nôtre dans le choix des figures & des tours, devoit l’être à plus forte raison dans la maniere de raisonner.

Il faudroit, afin de fixer nos idées, imaginer deux langues : l’une qui donnât tant d’exercice à l’imagination, que les hommes qui la parleroient, déraisonneroient sans cesse ; l’autre qui exerçât au contraire si