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de lettres dans l’état ; il me semble qu’on n’en avoit point encore connu toute l’étendue.

§. 153. Si les grands talens doivent leur développement aux progrès sensibles que le langage a fait avant eux, le langage doit à son tour aux talens de nouveaux progrès qui l’élevent à son dernier période : c’est ce que je vais expliquer.

Quoique les grands hommes tiennent par quelque endroit au caractère de leur nation, ils ont toujours quelque chose qui les en distingue. Ils voyent & sentent d’une manière qui leur est propre, & pour exprimer leur manière de voir & de sentir, ils sont obligés d’imaginer de nouveaux tours dans les règles de l’analogie, ou du moins en s’en écartant aussi peu qu’il est possible. Par-là ils se conforment au génie de leur langue, & lui prêtent en même tems le leur. Corneille développe les intérêts des grands, la politique des ambitieux, & tous les mouvemens de l’ame avec une noblesse & avec une force qui ne sont qu’à lui. Racine