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§. 147. Si l’on se rappelle que l’exercice de l’imagination & de la mémoire dépend entièrement de la liaison des idées, & que celle-ci est formée par le rapport & l’analogie des signes[1] ; on reconnoîtra que moins une langue a de tours analogues, moins elle prête de secours à la mémoire & à l’imagination. Elle est donc peu propre à développer les talens. Il en est des langues comme des chiffres des géométres : elles donnent de nouvelles vûes, & étendent l’esprit à proportion qu’elles sont plus parfaites. Les succès de Newton ont été préparés par le choix qu’on avoit fait avant lui des signes, & par les méthodes de calcul, qu’on avoit imaginées. S’il fut venu plutôt, il eut pu être un grand homme pour son siècle, mais il ne seroit pas l’admiration du nôtre. Il en est de même dans les autres genres. Le succès des génies les mieux organisés dépend tout-à-fait des progrès

  1. Premiére Partie. Sect. 2. ch. 3. & 4.