Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 2.djvu/155

Cette page n’a pas encore été corrigée

de l’ame ; de sorte qu’un d’eux se trouva enfin si général, qu’il les exprima toutes : c’est celui de pensée. Nous-mêmes nous ne nous conduisons pas autrement, quand nous voulons indiquer une idée abstraite que l’usage n’a pas encore déterminée. Tout confirme donc ce que je viens de dire dans le paragraphe précédent, que les termes les plus abstraits dérivent des premiers noms qui ont été donnés aux objets sensibles.

§. 104. On oublia l’origine de ces signes, aussitôt que l’usage en fut familier ; & on tomba dans l’erreur de croire qu’ils étoient les noms les plus naturels des choses spirituelles. On s’imagina même qu’ils en expliquoient parfaitement l’essence & la nature, quoiqu’ils n’exprimassent que des analogies fort imparfaites. Cet abus se montre sensiblement dans les philosophes anciens ; il s’est conservé chez les meilleurs des modernes, & il est la principale cause de la lenteur de nos progrès dans la manière de raisonner.

§. 105. Les hommes, principalement