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§. 91. Les hommes ne multiplièrent pas les mots sans nécessité, surtout quand ils commencèrent à en avoir l’usage : il leur en coûtoit trop pour les imaginer & pour les retenir. Le même nom qui étoit le signe d’un temps ou d’un mode, fut donc mis après chaque verbe : d’où il résulte que chaque mère-langue n’a d’abord eu qu’une seule conjugaison. Si le nombre en augmenta, ce fut par le mélange de plusieurs langues, ou parce que les mots destinés à indiquer les temps, les modes, etc. Se prononçant plus ou moins facilement selon le verbe qui les précédoit, furent quelquefois altérés.

§. 92. Les différentes qualités de l’ame ne sont qu’un effet des divers états d’action & de passion par où elle passe, ou des habitudes qu’elle contracte, lorsqu’elle agit ou pâtit à plusieurs reprises. Pour connoître ces qualités, il faut donc déjà avoir quelque idée des différentes manières d’agir & de pâtir de cette substance : ainsi, les adjectifs qui les expriment n’ont pu avoir cours qu’après