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anciennes aux plus modernes, on s’appercevra que l’usage de sousentendre des mots est de moins en moins reçu. Notre langue le rejette même si fort, qu’on diroit quelquefois qu’elle se méfie de notre pénétration.

§. 77. En second lieu, l’exactitude & la précision ne pouvoient être connues des premiers poëtes. Ainsi, pour remplir la mesure des vers, on y inséroit souvent des mots inutiles, ou l’on répétoit la même chose de plusieurs manières : nouvelle raison des pléonasmes fréquents dans les langues anciennes.

§. 78. Enfin, la poësie étoit extrêmement figurée & métaphorique ; car on assure que, dans les langues orientales, la prose même souffre des figures que la poësie des latins n’employe que rarement. C’est donc chez les poëtes orientaux que l’enthousiasme produisoit les plus grands désordres : c’est chez eux que les passions se montroient avec des couleurs qui nous paroîtroient exagérées. Je ne sai cependant