Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 2.djvu/115

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’harmonie, & on en fit un art particulier. La nécessité où l’on étoit de s’en servir fit croire, pendant longtemps, qu’on ne devoit composer qu’en vers. Tant que les hommes n’eurent point de caractères pour écrire leurs pensées, cette opinion étoit fondée sur ce que les vers s’apprennent & se retiennent plus facilement. La prévention la fit cependant encore subsister après que cette raison eut cessé d’avoir lieu. Enfin un philosophe, ne pouvant se plier aux règles de la poësie, hasarda le premier d’écrire en prose[1].

§. 68. La rime ne dut pas, comme la mesure, les figures & les métaphores, son origine à la naissance des langues. Les peuples du nord, froids & flegmatiques, ne purent conserver une prosodie aussi mesurée que celle des autres, lorsque la nécessité qui l’avoit introduite, ne fut plus la même. Pour y suppléer,

  1. Phérécides de l'Isle de Scyros, est le premier qu’on sache avoir écrit en prose.