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ses sens, en suspendoit l’action, & la modifioit à son gré. Elle avoit donc des idées antérieures à l’usage des sens. Mais les choses ont bien changé par sa désobéissance. Dieu lui a ôté tout cet empire : elle est devenue aussi dépendante des sens, que s’ils étoient la cause physique de ce qu’ils ne font qu’occasionner ; & il n’y a plus pour elle de connoissances que celles qu’ils lui transmettent. De-là l’ignorance & la concupiscence. C’est cet état de l’ame que je me propose d’étudier ; le seul qui puisse être l’objet de la philosophie, puisque c’est le seul que l’expérience fait connoître. Ainsi, quand je dirai que nous n’avons point d’idées qui ne nous viennent des sens, il faut bien se souvenir que je ne parle que de l’état où nous sommes depuis le péché. Cette proposition, appliquée à l’ame dans l’état d’innocence, ou après sa séparation du corps, seroit tout-à-fait fausse. Je ne traite pas des connoissances de l’ame dans ces deux derniers états ; parce que je ne sçais raisonner que d’après l’expérience. D’ailleurs, s’il nous