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chose au secours du toucher, c’est que les efforts qu’il faisoit pour voir dans les objets les idées qu’il s’en formoit en les maniant, lui donnoient occasion d’exercer davantage le sens de la vûe. En supposant qu’il eut cessé de se servir de ses mains, toutes les fois qu’il ouvroit les yeux à la lumière, il n’est pas douteux qu’il n’eut acquis par la vûe les mêmes idées, quoiqu’à la vérité avec plus de lenteur.

Ceux qui observoient cet aveugle-né au moment qu’on lui abaissoit les cataractes, espéroient de voir confirmer un sentiment pour lequel ils étoient prévenus. Quand ils apprirent qu’il appercevoit les objets d’une manière aussi imparfaite, ils ne soupçonnerent pas qu’on en pût apporter d’autres raisons que celles que Locke & Barclai avoient imaginées. Ce fut donc une décision irrévocable pour eux, que les yeux sans le secours des autres sens, seroient peu propres à nous fournir les idées d’étendue de figures, de situations, etc.