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l’étendue ; des grandeurs, etc. Je ne remonte pas plus haut, parce que c’est-là que je commence à avoir une connoissance évidente.

§. 14. Examinons à notre tour ce qui arriveroit à un aveugle-né, à qui on donneroit le sens de la vûe.

Cet aveugle s’est formé des idées de l’étendue, des grandeurs, etc. En réfléchissant sur les différentes sensations qu’il éprouve, quand il touche des corps. Il prend un bâton dont il sent que toutes les parties ont une même détermination : voilà d’où il tire l’idée d’une ligne droite. Il en touche un autre dont les parties ont différentes déterminations, ensorte que si elles étoient continuées, elles aboutiroient à différens points ; voilà d’où il tire l’idée d’une ligne courbe. De-là il passe à celles d’angle, de cube, de globe & de toutes sortes de figures. Telle est l’origine des idées qu’il a sur l’étendue. Mais il ne faut pas croire qu’au moment qu’il ouvre les yeux, il jouisse déja du spectacle que produit dans toute