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erreurs. Il suffit d’avoir supposé que les mots répondent à la réalité des choses, pour les confondre avec elles, & pour conclure qu’ils en expliquent parfaitement la nature. Voilà pourquoi celui qui fait une question, & qui s’informe ce que c’est que tel ou tel corps, croit, comme Locke le remarque, demander quelque chose de plus qu’un nom, & que celui qui lui répond, c’est du fer, croit aussi lui apprendre quelque chose de plus. Mais avec un tel jargon il n’y a point d’hypothèse, quelqu’inintelligible qu’elle puisse être, qui ne se soutienne. Il ne faut plus s’étonner de la vogue des différentes sectes.

§. 14. Il est donc bien important de ne pas réaliser nos abstractions. Pour éviter cet inconvénient, je ne connois qu’un moyen, c’est de sçavoir développer l’origine & la génération de toutes nos notions abstraites. Mais ce moyen a été inconnu aux philosophes, & c’est en vain qu’ils ont tâché d’y suppléer par des définitions. La cause de leur